"En notre temps, la seule querelle qui vaille est celle de l'homme, c'est l'homme qu'il s'agit de sauver, de faire vivre et de développer".
Charles de Gaulle (Conférence de presse, 25 mars 1959).
Quand nous exigeons l'assainissement profond des mœurs publiques et privées dans le cadre du processus de construction et de rayonnement de nos pays, ce n'est pas tant par dévotion morale et civique que par une nécessité basique dont est tributaire la préservation physique même de nos nations. Les repères moraux et civiques, dont la force contraint l'individu moyen à contribuer au renforcement du corps social, pourraient s'évanouir, et ne laisser la place qu'à la sauvagerie et à arbitraire, et nous ne serions plus loin de notre apocalypse
Partout, les bases d'une accumulation utile du travail communautaire doivent être assises sur une rigueur implacable dans la gestion des ressources. Ainsi, qu'un sol fangeux ne peux recevoir sans un travail d'assainissement préalable l'ouvrage le mieux conçu au plan technique et architectural, de même le meilleur programme de développement ne peut être implanté et se maintenir dans un contexte de déchéance morale et civique généralisée. C'est pourtant ce que révèle l'état de lieu aujourd'hui.
Nous somme cruellement suspendus, mis en apesanteur. Nous nous sommes décrochés de notre astre originel, sans avoir raccroché un autre véritablement. Nous ne sommes pas le résultat d'un métissage culturel enrichissant, comme il a été dit jusqu'à ce jour. Au contraire, nous sommes un mélange instable, atypique et passablement stupide. Nous sommes désaxés. Le substrat culturel est le support de la norme morale qui conduit chaque société. Il est aussi notre sens du beau et notre repère du bien. Avoir perdu ces trésors des peuples fait planer sur nos communautés de grands risques quand à leur survie même. Mais contrairement à ce qu'avance une certaine pensée moderne, nous étions au départ une société parfaitement structurée, dotée d'une morale ainsi qu'une philosophie claire, autant que celles des autres peuples.
La situation appelle une entreprise de sauvetage, une suite de mesures d'assainissement en profondeur concomitamment aux actions d'édification nationale. Mais, elles ne sont qu'un préalable. L'ordre des actions importe grandement; il découle de la nature même des choses, et aucune force ne peut y déroger. Il vaudrait mieux renoncer à la vie même si l'on ne concsentait à agir selon l'ordre des choses. Il faut assainir le sol avant d'ériger un édifice viable; il faut administrer une bonne potion contre les parasites avant de proposer au patient une bonne alimentation; enfin, il faut chasser les chimpanzés du grenier, avant de crier aux enfants du pays: aux moissons et que sa grouille!
Voilà pourquoi une guerre totale contre la corruption, les délits et crimes qui lui sont voisins est une condition nécessaire au programme de développement que nous préconisons. Il apparaît alors parfaitement ingénu de caresser le moindre rêve, la moindre espérance de vie et de rayonnement pour la nation, si nous ne sommes pas prêts à payer le prix de l'assainissement, peut-être même de l'amputation. Puisque la purification morale et le renforcement civique des citoyens est le premier gage de développement harmonieux et de la paix sociale, nous entendons y jeter toute la force de l'Organisation.
On a entendu quelquefois des discours embrouillés qui tendent à soutenir qu'un effet positif pourrait, dans certains cas, être attaché à un contexte de corruption généralisée et s'enrichissement frauduleux de quelques uns, au détriment du plus grand nombre. Ils tendent àsoutenir qu'un pays pourrait trouver son équilibre dans la fange de la corruption et se construire un système économique et social non pas seulement informel mais souterrain, fait de galléries infectées par où transite l'essentiel des ressources du pays.
Examinons ces situations d'illusions et de bombes à retardement. Nous verrons qu'ils induisent invariablement des mouvements politiques extrémistes et brutaux, fait de diverses formes de guérillas, d'attentats terroristes, de décapitations, d'industries de produits nocifs, de records de criminalité battus et tant d'autres fléaux encore. Ainsi il se forme de multiples affluents de violences qui grossissent celui plus fondamental d'un État dictatorial. Les peuples perdraient leur nature profonde s'ils venaient à s'accommoder de l'injustice sociale, de la faim et de la souillure de leurs dirigeants.
Nous n'avons plus le choix. Nous devons maintenant nous attaquer à nos canardières de fiantes glaireuses et puantes, que nous laissons monter en grade de saletés inégalées. Nous devons maintenant ouvrir nos fosses communes de crimes dissimulés, les langes du nouveau-né et le linceul du mort que le froid tenaille, les haillons du pauvre qui cuit au soleil, nous les avons tous volés, nous les vauriens, nous qui volons par manies inguérissable. La nausée atteindra son paroxysme. Les viscères nous monterons à la gorge, et nos bouches se chargeront de baves abondantes. Tant nous avions été malhonnêtes, tant nous avions été sales.
Les cas de déchéance extrême, vécus par certains États supposés modernes mais qui croupissent en fait dans les âges primitifs de la morale et du civisme, se sont tous révélés non viables. Et d'énormes efforts ont dû être consentis ces dernières années pour dissoudre les mariages incestueux entre le pouvoir d'Etat et la pègre.
Que peut on jamais obtenir, au sein d'une Nation, de politiciens chefs de gang qui braquent tout un peuple à long terme; de ministres qui rongent et pillent; de hauts fonctionnaires incompétents; d'agents soi-disant assermentés qui souillent chaque jour l'uniforme national; de mécaniciens qui permutent les pièces de rechange des engins confiés à leurs soins; de professeurs qui font payer l'octroi d'un diplôme en argent et nature; d'avocats qui détournent à leur profit l'indemnité des orphelins; de chirurgiens qui, horreur extrême, dérobent les prothèses des malades qu'ils opèrent; tant d'autres comportements diversement impensables dont nous de la possibilité, sinon du caractère commun?
Tous les discours sur le développement des pays, qu'il s'agisse de ceux de mille théoriciens sans prise sur le réel, ou des nôtres, assis sur l'éveil économique des communautés rurales et péri-urbaines comme point de départ du développement compréhensif, ne pourront ni produire le développement, ni même l'héberger, si rien n'est fait pour contrer le pillage en règle des ressources nationales.
Produire le développement consisterait à en asseoir les bases dans nos contextes propres, dans nos ressources, dans nos efforts et nos créativités; à engager des réflexions pratiques et larges sur la stagnation de la vie de ce côté-ci du monde; et enfin à conduire des actions courageuses dans le sens bien tracé de ces mêmes préoccupations. Non pas en attribuant à tous les problèmes qui nous accablent, y compris ceux qui sont ouvragés par nos propres mains, une urgence égale, en en érigeant une rigoureuse table de priorité, à laquelle nous conformer, comme si ce fut des ordres émanent de l'Esprit même du Peuple. Voilà notre moindre devoir, et l'ombre de la honte porte sur nous so nous offrons moins qu'un engagement total et sincère à cet égard.
Héberger le développement équivaudrait, à défaut de pouvoir le produire, à être au moins en mesure de coordonner et gérer les ressources mises à la disposition de nos pays, par la bienfaisance internationale. Notre politique de la main tendue et de la larme suspendue aurait des chances de succès. Et chaque jour, l'étranger nous apportera le développement en pièces préfabriquées. C'est arrivé à établir et à maintenir une gestion saine au sein de L’État mendiant de sorte que le peu de vivres généreusement déposés à nos portes, par les divers étrangers de passage ou en campement dans nos pays, emprunte les chemins classiques du gouffre sans fond des vaines prestations sociales et des investissements insensés. Car, en réalité, aucune action de charité, encore moins celles résultant de conventions et autres traités de nature dolosive caractérisée, dans un État libre, les conditions du dynamisme intérieur, nécessaire à la créativité et au développement authentique.
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