Après avoir attendu quels temps, pour ne pas
dire quelles années, et vu les ministres en charge de la culture se suivre sans
que la moindre action en faveur la culture soit amorcée, j'ai finalement
compris que ces responsables ministériels n'ont aucune idée du sujet dont ils
ont la charge. Ils ignorent totalement de quoi on parle quand on évoque la
culture.
Alors je prends la plume, ou mon clavier,
pour apporter mon humble contribution, même si je sais que c'est peine perdue
dès qu'il s'agit de ces femmes et hommes qui dirigent ce pays, tant ils sont
convaincus détenir le savoir et la connaissance universels.
La culture, peut être caractériser comme étant la totalité
des manières d'être, de savoir, de faire savoir, de produire et de reproduire
nos moyens d'existence ; une totalité qui englobe aussi bien les domaines
intellectuels, matériels que spirituels de notre vie sociale.
C’est l’ensemble des mécanismes mis en œuvre par l’homme
pour connaître son environnement, le transformer afin de vivre en harmonie avec
cet environnement et avec lui-même. Elle trouve son origine et sa finalité dans
l’homme. On peut dès lors affirmer qu’elle est une donnée qui évolue selon la
vie et le développement de chaque société humaine.
La politique culturelle, comprise comme l’organisation au
niveau institutionnel de tout cet ensemble de règles sociales, de comportements
et de manifestations cultuelles doit constamment s’adapter à l’évolution de
notre société et tenir compte de ses transformations, de ses mutations, des
crises qui la secouent et des changements qu’elles entrainent.
De tout temps, l’organisation de la vie culturelle des
peuples a été un souci permanent des gouvernements qui l’ont diversement mis en
pratique.
Les anciennes puissances coloniales de l’Afrique l’avaient
bien compris. Ils avaient mis au point pour les peuples colonisés une politique
d’assimilation qui a abouti à la destruction de leur valeurs profondes, une
politique d’oppression et d’aliénation culturelle afin d’avoir à leur service
une population accessible à leurs idées et, partant, toute dévouée à leur
cause. Le gouvernement de la République de Djibouti l’a également compris.
C’est d’ailleurs pourquoi il a adopté dès 1977 une politique culturelle visant
à réhabiliter nos valeurs culturelles, mais pour certains de nos concitoyens,
la culture a semblé et semble encore malheureusement un élément subversif et se
doit d’être soumis à l’idéologie du Parti unique.
Si l’on doit à la vérité de reconnaître que la politique
culturelle de la République de Djibouti comportait des orientations
progressiste et largement en rupture avec le mimétisme cultuel tacitement
encouragé par les colons et ses serviteurs, force est de constater qu’une
nouvelle aliénation a succédé à la première, réduisant au silence les voix
dissidentes, enfermant les aspirations dans l’enclot de la propagande
politique.
Aujourd’hui, notre politique culturelle doit avoir pour
ambition l’épanouissement des libertés fondamentales, de la multiplicité des
courants de pensées, de toutes les exigences d’une démocratie pluraliste et qui
replace la culture à la base du processus de développement de la République de
Djibouti.
Le manifeste culturel panafricain (1969) définit la
culture comme « l’action de l’homme
sur lui-même et sur le monde pour le transformer et. Par là, elle englobe le
social, le politique, l’économique et le technique ». Vue dans cette
perspective, elle englobe la totalité de l’outillage matériel et immatériel,
œuvres et ouvrages d’art, savoir et savoir-faire, langue, mode de pensée,
comportement et expérience accumulées par le peuple djiboutien dans son effort
de libération pour dominer la nature et édifier une société toujours meilleure.
Mais chacun de ces éléments, dans sa formation et dans son
évolution, est influencé par l’environnement géographique, les vicissitudes de
l’histoire et des voisinages successifs lies aux migrations des peuples. Un
regard panoramique sur les peuples qui composent l’actuelle République de
Djibouti conduit à constater que la culture djiboutienne a de tout temps été
une culture pluriethnique, même si, dans l’esprit, on peut y trouver des
facteurs d’unité.
Mais la dimension plurielle de la culture djiboutienne endogène
ne peut être considérée ni comme un facteur de division, ni comme un handicap à
la mise en œuvre d’une politique culturelle unitaire. Elle doit, au contraire, être
perçue comme une source d’enrichissement des Djiboutiens ; et une
conscience permanente de cette réalité incontournable garantirait à son
programme culturel une pleine efficacité.
Elle commande justement d’encourager les brassages ethniques,
soutenus par une politique d’information constante sur les spécificités
multiples qui composent cette culture afin de favoriser la conscience
d’appartenir à une même communauté nationale.
L’introduction dans notre société d’une éducation de type
occidental et d’un système de développement basé sur les technologies étrangères
oblige aujourd’hui au constat d’une bipolarité culturelle.
La culture pluriethnique endogène coexiste aujourd’hui
avec une culture importée unifiée autour des modes de pensée et de conduite véhiculés
par l’école, les media et les contacts avec l’extérieur. C’est pourquoi toute
action culturelle devrait veiller à ne marginaliser aucun des deux pôles. Elle
pourrait viser à réaliser une interpénétration féconde. C’est dans et par la culture
que se développe la créativité, facteur premier de tout développement économique.
C’est pourquoi la politique culturelle de notre pays soutiendrait et
favoriserait tout effort de création pour que la culture de manière active aux
projets de développement intégral du pays.